samedi 25 juin 2011

Janis Babson

Janis Babson

1.

Elle s'appelle Janis. Janis Babson. Elle naquit au Canada, à Windson, en Nouvelle Ecosse. Quand elle avait deux ans, avec sa famille allèrent vivre à Ottawa. Son père était de la Police Montée du Canada, et s'appelait Rudy. Sa mère, qui vit encore, s'appelle Rita. Voici ce qui arriva. C'était en 1960. Janis était la deuxième de six frères et soeurs. Elle avait une grande soeur, Chamaine, et quatre petits frères : Roddy, sa soeur Karen, Timmy et sa cadette Sally. Les deux derniers étaient les bébés de la maison et Janis les appelait “the small fry” que nous pourrions traduire par “les petits”. Après sa mort il arriva encore une nouvelle soeur, Stephnay.

Janis aimait beaucoup de choses qui te plaisent à toi aussi. C'était une fillette bien normale, très joyeuse et sensible. Elle aimait spécialement les chevaux, la neige, faire jouer les plus petits... Elle n'avait aucun cheval à la maison. Souvent elle demandait à ses parents d'en acheter un. Souvent elle allait à un champ qu'il y avait près de sa maison et depuis la clôture elle donnait des carottes à des chevaux qui étaient là. Sa mère devait cacher les carottes de la cuisine parce que Janis les terminait toujours...

Plus loin, dans sa rue on y construisit une école. L'école de Saint Nicolas. C'était un collège de soeurs et bientôt il devint son collège. Près de sa maison il y avait aussi une voisine de son âge, Tricia, qui devint sa grande amie.

Pour Janis, se réveiller chaque jour était un plaisir. Parfois elle disait à sa mère des choses comme celles-ci: “Oh maman, c'est fantastique!” “Qu'est-ce qui est fantastique?” lui disait sa mère. Et Janis de répondre: “Eh bien... l'école, jouer avec les petits...tu sais?: Tout!”
Parfois elle remerciait le Bon Dieu pour toutes les bonnes choses du monde. Ce n'est pas qu'elle se sentait mystique ou très spirituelle. Elle ne savait même pas ce que cela voulait dire ”mystique”. Seulement elle sentait Dieu très proche d'elle, il faisait partie de sa vie de chaque jour. Elle le connaissait, le bon Dieu. Pour elle Dieu était tout à fait réel.


Janis carrots 1


2.

Janis était sympathique et se préoccupait des autres. Parfois, quand elle avait entendu une nouvelle qui la touchait, elle disait : “Pourquoi tout le monde ne peut pas vivre en paix? J'aimerait pouvoir être la-meilleure-amie-de-tous”. Dans tout ce qu'elle faisait il y avait de la sympathie, de la simplicité et une grande tranquillité. C'est pour cela que son histoire n'est pas une histoire triste.
 

Je vous ai déjà dit qu'elle aimait beaucoup les chevaux. Chaque semaine elle attendait l'heure de regarder un programme à la Télé qui s'appelait National Velvet, où on parlait de chevaux. Quand le programme était fini elle allait toujours à la cuisine où était sa mère et lui disait: “Maman, ne crois-tu pas que nous pourrions trouver le moyen d'acheter un cheval?”, et elle lui disait toujours que non, qu'il y avait des choses plus importantes où dépenser l'argent. Un après-midi, cependant, tout juste après le programme sur les chevaux, on en commença un autre sur les non-voyants. Janis en fut très intéressée. Un bon nombre de personnes aveugles, disait le programme, pourraient récupérer la vue si on pouvait leur faire une transplantation de cornée. Mais pour faire une pareille opération il fallait qu'il y ait des personnes disposées à donner leurs yeux quand ils mouraient à une “Banque des yeux”. Il sortait aussi une jeune mère qui expliquait comment elle avait perdu son fils encore petit, heurté par une voiture. Lors de l'accident elle était désespérée mais tout à coup elle eût l'idée qu'elle pouvait donner les yeux de son fils et, d'une certaine façon, il continuerait à être présent dans ce monde à travers les yeux d'une autre personne. Ainsi dit, ainsi fait. Et dans le programme on expliquait combien elle était heureuse d'avoir fait cela et comment elle récupéra la sérénité et l'espérance qu'elle avait perdues.

Janis en fut impressionnée. Elle resta quelque temps à réfléchir, puis alla décidée à la cuisine. Elle dit à sa mère qu'elle voulait lui dire quelque chose. Elle, sans la regarder, lui dit : “Que tu veux un cheval?” Mais Janis lui dit qu'elle voulait donner ses yeux à une Banque des yeux pour quand elle mourrait. La mère, toute surprise lui dit: “Qu'est-ce que tu dis-là?”, et Janis lui expliqua qu'elle avait vu dans un programme à la télé tout cela de la Banque des yeux, et qu'elle voulait y collaborer. La maman lui donna quelque carottes et lui dit qu'elle reste avec elle pour les découper et pendant ce temps qu'elle lui explique ce qu'elle avait vu dans ce programme.

Plus tard ils le surent, Janis parlait sérieusement...


Cutting carrots new


3.


Un mois de février tomba beaucoup de neige. Janis était enthousiasmée. Elle restait de longs moments dans la rue en jouant avec la neige. Mais un jour, tout d'un coup, elle se sentit très fatiguée. Elle n'avait envie que de bâiller et n'avait même pas la force de manger. Sa mère pensa qu'elle était en train d'attraper la grippe; mais tout le mois passa et elle n'avait toujours pas faim. Elle maigrit et avait une mauvaise mine.

Un jour qu'il faisait du vent et qu'il neigeait, en revenant de l'école, faible comme elle était, elle ne pouvait presque pas avancer: la force du vent la faisait tomber. Sa grande soeur, Charmaine et son frère Roddy, qui était plus petit qu'elle, étaient déjà arrivés à la maison. Sa mère vit à travers la fenêtre les efforts qu'elle faisait pour avancer et, effrayée, envoya Roddy pour qu'il l'aida à rentrer. L'enfant prit les livres et se mit devant elle pour lui ouvrir un chemin.


Elle, en prenant la veste de Roddy, finalement rentra à la maison et se laissa tomber sur une chaise : “Je ne sais ce qui m'arrive” dit-elle, “je ne pouvais plus marcher”, “Je suis si fatiguée...” Sa mère la regarda attentivement et ce n'est qu'alors qu'elle s'aperçut combien elle était pâle et mince. Ses yeux couleur châtaigne, semblaient lui couvrir le visage.
 


Janis Roddy and the storm new

Le lendemain, son père termina plus tôt son travail et l'emmena au médecin. Celui-ci lui dit en souriant: “Eh bien, ma petite, qu'est-ce que c'est? Une nouvelle manière de ne pas aller à l'école?” Janis le fit sourire quand elle lui déclara sans hésiter: “Non. C'est une nouvelle manière qu'a trouvé mon père de s'échapper du travail.”

Le médecin l'envoya à l'analyste pour lui faire une analyse de sang et, quand il eût les résultats, il vit que c'était quelque chose de grave. Il dit à son père que probablement elle avait une leucémie (un cancer du sang) et que pour le moment il fallait l'interner à l'hôpital le lendemain même...

4.

Quand sa mère lui dit qu'elle devait aller à l'hôpital Janis en fut très peinée. “A l'hôpital?!” dit-elle. “Je ne veux pas y aller, à l'hôpital! Je ne suis pas malade, je suis seulement fatiguée... et en plus, là j'y mourrais, toute seule, sans toi et papa!”. Sa mère ne dit rien; elle la caressa et après lui dit avec douceur : “Je sais comment tu dois te sentir, précieuse; cela est difficile pour toi, pour moi et pour tous, mais nous devons faire ce que le médecin dit , si nous voulons que tu te portes bien...” “En plus nous devons accepter les choses mauvaises que Dieu permet, tout comme nous acceptons celles qui nous rendent si heureux. Il sait ce qui est meilleur pour chacun de nous, et si tu peux arriver à lui dire que tu veux ce que Lui Il veut, il ne te sera ni la moitié de difficile. Tu verras!”. Janis sécha ses larmes et dit à sa mère qu'elle aimerait rester un moment toute seule dans l'habitation afin de penser à ce qu'elle lui avait dit. Quand elle partait, sa mère vit comment elle se mettait à prier. Au bout d'un moment elle descendit en disant: “ tout est prêt, maman, je suis prête...”

Le soir elle entra à l'hôpital, et on la mit dans une salle avec d'autres enfants. Ses parents montèrent un moment pour lui dire au revoir. Elle était assise sur le lit, les deux jambes croisées; elle portait un pyjama blanc et elle était déjà en train de regarder avec intérêt les autres enfants qui étaient dans la salle. Quand ils l'embrassèrent pour s'en aller elle leur dit tout bas: “Vous reviendrez, n'est-ce pas?”



janis hospital

Elle devint tout de suite l'amie de chacun des enfants qui se trouvaient là. C'était comme si les maladies des autres lui semblaient plus importantes que la sienne. Dès qu'elle récupéra un peu ses forces, elle se donna corps et âme, tout heureuse, à faire compagnie et à être attentive à l'un et à l'autre, comme si la joie débordait de son coeur et ne pouvait faire autre chose que la partager...

Elle allait encourager la petite Sue qui n'arrêtait de pleurer pour sa maman; elle chantait ensemble avec Jeanne; elle expliquait ses meilleurs contes au groupe denfants qui ne pouvaient bouger à cause des bras, des jambes ou des têtes cassés et leur arrangeait l'oreiller. Elle portait des verres d'eau à Johnny qui n'arrêtait pas d'embêter les infirmières; elle donnait un coup de main à Paula avec ses devoirs – pauvre Paula qui devait faire ses classes là même avec une tutrice, à cause du temps si long qu'elle portait à l'hôpital.

Sa mère venait la voir presque chaque après-midi, et le soir, quand il le pouvait, son père la rejoignait. Les deux Soeurs du collège vinrent la voir aussi; elles emmenaient les cadeaux des camarades de classe et aussi une petite statuette de l'Enfant Jésus ainsi qu'un petit cadre avec une photographie de Sainte Thérèse de Lisieux. Ces deux cadeaux devinrent très importants pour Janis pendant l'année et demi qu'elle vécu encore.

Les médecins avaient dit aux parents qu'elle ne pourrait pas vivre beaucoup plus d'une année mais cela on ne le lui dit pas.

Bientôt un mois tout entier passa et, au bout de quelques jours, avec le traitement reçu elle avait repris beaucoup de force, aussi on lui donna l'autorisation de rentrer à la maison.

5.

Quand elle rentra de l'hôpital, Tricia était en train de l'attendre devant sa maison. Elle descendit de la voiture en courant: “Tricia, je suis de retour à la maison! Mon Dieu, Trish!” dit-elle à son amie pendant qu'elle l'embrassait. Puis elle rentra à la maison, heureuse, pour saluer ses frères et soeurs.

Alors commencèrent des journées spéciales pour toute la famille. Suivant les conseils du médecin, les parents ne dirent pas à ses frères et soeurs que Janis avait une leucémie. Ils résolurent de profiter du temps que lui restait à vivre pour faire ce qu'ils avaient dit toujours qu'ils le feraient “un jour” et que jamais ils ne faisaient. Maintenant ce “un jour” était arrivé et il y eût des excursions en voiture, des jeux le soir à la maison, la grand-mère de Janis vint de Fort William... Les repas aussi étaient différents car, récupérée, Janis avait de l'appétit et mangeait bien. On ne dirait pas qu'elle était malade; elle jouait et courait comme avant.

Chaque mardi matin, cependant, elle devait aller à la clinique avec son père. Bientôt elle devint l'amie des infirmières et du personnel de la clinique; elle n'oubliait pas de monter visiter sa Freda dès qu'elle le pouvait ainsi que les autres enfants hospitalisés à l'étage où elle avait été. Là c'était un centre d'oncologie et les personnes qui soignaient les malades savaient quels étaient les patients qui avaient un diagnostic grave. Elles traitaient Janis avec tact et douceur et elle gagna tout de suite leur sympathie. Personne ne disait rien mais les mardis matin il y avait une espèce d'attente : tous attendaient voir arriver ce rayon de lumière qu'était la Janis. Elle allait d'un lieu à un autre, saluant chacun et lui expliquant des choses. Plus d'une fois, quand une des infirmières n'était pas là, elle lui laissait écrit avec la machine à écrire de la salle des consultations une note comme celle-ci: “Chère Jessamyn, aujourd'hui tu m'as manquée. Où étais-tu? Je t'embrasse. Janis”
Une autre limitation qu'elle avait c'était qu'elle devait prendre les repas sans sel, alors qu'elle aimait beaucoup les sauces et les apéritifs comme les biscuits salés en forme de poissons et les pommes de terre frites. Un jour elle improvisa pour sa mère une petite chanson qui disait:

“Oh ma petite maman, s'il te plaît, dis-leur de s'arrêter aux pommes de terre frites sans sel!” (“Oh, Mommy, please call a halt / to French fries with no salt!”)
Tout l'été passa avec normalité; le jour de ses 9 ans, le 9 septembre, on lui fit cadeau d'un vélo et, toute émue, elle faisait des excursions dans les bois des alentours. En octobre, cependant, elle se trouva mal de nouveau. Le médecin lui fit de nouvelles transfusions de sang et lui prescrit un médicament différent. Il lui dit que maintenant elle ne devrait plus faire d'exercice ni des jeux de mouvement. Cela lui coûta, mais ainsi, peu à peu, sa santé s'améliora une nouvelle fois.
 

Janis Typewriter


6.

Avec la vie moins mouvementée qu'elle portait, Janis devint davantage réfléchie, elle passait des moments à lire et avait un état d'âme plus stable et plus tranquille. Elle avait toujours eue le souci de faire plaisir aux autres, mais maintenant elle le faisait encore avec plus d'entrain; pouvoir aider la rendait heureuse. Elle se sentait reconnaissante de la compagnie qu'elle avait reçue lorsqu'elle était à l'hôpital et cherchait le moyen de rendre les attentions qu'elle avait reçu. Les jours où il n'y avait pas de classe, elle restait de longs moments avec ses petits frères; elle leur enseignait à lire, à dessiner et leur lisait des contes. Elle eût aussi l'idée de préparer chaque samedi matin, avec eux, un petit déjeuner spécial pour ses parents.

De cette manière passa toute l'année puis l'été. Bientôt ce fut septembre et le début de la nouvelle année scolaire. Elle avait déjà dix ans. Elle se proposa d'avoir de bonnes notes en mathématiques, qui lui coûtaient beaucoup, et elle y réussit. De langue, elle eût la note maximale; ses rédactions avaient la même grâce et vivacité que sa manière de parler.
Il y avait une chose qui la faisait souffrir: elle n'était plus mince et agile comme elle avait toujours été; les forts médicaments qu'elle prenait avaient fait qu'elle prenait du poids et le visage s'assombrissait. Un jour un petit enfant de l'école lui dit: “Eh, grosse... il vaudrait mieux que tu maigrisses!” Elle rentra à la maison toute abattue. Quand elle expliqua cela, toute en larmes, à sa mère, celle-ci l'embrassa. Elle ne savait comment la consoler. Elle demandait de l'aide au ciel afin de trouver les mots adéquats. A la fin elle lui dit: “Penses-tu que Dieu se soucie beaucoup de ton apparence? Ce qu'il y a au-dedans de toi, tes sentiments, c'est cela qui compte pour Lui”. Janis se calma, mais ce ne fut que la semaine suivante qu'elle récupéra sa bonne humeur de toujours : elle entra super contente à la maison et son père, qui était en train de lire le journal lui dit: “ Qu'y a-t-il demoiselle?” Elle répondit avec son meilleur sourire: “Je me cache d'un admirateur à moi. Imagine : il m'a suivi de l'école jusqu'à la maison!”. Elle avait retrouvé la joie. Puis elle monta sur le fauteuil de son père et, lui donnant des petits coups au ventre, lui dit: “je ne sais si j'arriverai un jour à être aussi grosse que toi!” Et lui, qui avait le même sens de l'humour que Janis, lui répondit comme celui qui se sent offensé: “Qui est “gros”? Tu dois savoir que ce que tu vois là c'est du muscle!” ... et ils rirent tous les deux.


Janis' breakfast


7.

Au début de décembre, à l'école de Janis, on distribua aux élèves des boîtes de félicitations de Noël pour les vendre parmi les parents et amis. L'enfant qui réussirait à en vendre davantage, recevrait comme prix un livre. Janis essaya de vendre beaucoup de cartes postales afin de gagner le prix, mais comme il arriva que ces jours coïncidèrent avec ses visites à la clinique à cause de son traitement et qu'elle devait y rester de longs moments, quand elle passait chez les gens de sa rue afin de vendre les félicitations de Noël, voilà qu'ils en avaient déjà acheté avec les autres enfants qui étaient passés avant elle, mais après, elle eût une idée afin de renverser la situation: elle emmènerait les boîtes de cartes postales à la prochaine visite à la clinique et elle essayerait de les vendre là-bas. Et cela lui alla à merveille. Grâce au personnel, les infirmières et tous les amis malades qu'elle y tenait, elle vendit tant de félicitations de Noël qu'elle gagna amplement le prix.

Le livre qu'on lui donna était “Sainte Thérèse et les roses”, une biographie de Sainte Thérèse de Lisieux. J'ai déjà dit avant que quand Janis entra à l'hôpital, les soeurs lui avaient fait cadeau d'une photo de la sainte et lui avaient expliqué des choses d'elle. La photo elle la gardait précieusement. Quelques fois elle la regardait et, s'il y avait quelqu'un, elle disait qu'elle ne comprenait pas pourquoi à une sainte si joyeuse on avait fait une photo où on la voyait si sérieuse. Elle se mit à lire le livre sans tarder et il lui plut beaucoup. Elle dit à Charmaine que, de même qu'elle était sa grande soeur sur la terre, maintenant elle avait une grande soeur au ciel: Thérèse de Lisieux.

Saint Therese and the roses

Après, reconnaissante, elle fit une Crèche avec du carton et des petites figures de coton, puis l'emmena à l'étage des enfants de l'Hôpital. Elle dit à l'infirmière de l'accueil: “N'aurais-tu pas une habitation pour ceux-ci?” L'infirmière, toute émue, lui dit; “Bien sûr! Je leur donnerait la place d'honneur!” Elle nettoya un coin de l'accueil et avec une grande cérémonie, elle y plaça la Crèche de Janis.

Pendant ces fêtes de Noël l'état de santé de Janis empira beaucoup au point qu'à la mi-janvier on dût l'emmener de nouveau à l'hôpital. On lui augmenta la dose des médicaments qu'elle prenait déjà et bientôt, elle pût se lever de nouveau. Dès qu'elle pût se lever, elle s'employa sans tarder à aider les autres enfants malades. Un jour après avoir passé toute la nuit en faisant compagnie à Donna, une petite fille de trois ans qui avait été heurtée par une voiture, les infirmières l'appelèrent “aide officielle, non officielle, d'infirmière”
Cette fois-ci elle ne resta à l'hôpital qu'un peu plus d'une semaine...

Janis' nativity

8.

Janis retourna à la maison à la mi-février, mais elle ne retourna plus à l'école car il ne parût pas opportun au docteur qu'elle y aille. Elle restait assise au lit et lisait ou bien elle faisait des petits objets brodés pour Sally...


Sally's mittens

Parfois elle disait à sa mère qu'elle vienne un peu lui faire compagnie et lui demandait qu'elle lui explique des choses. Elle aimait écouter sans se lasser, l'histoire du comment elle connut son père et comment ils se marièrent. Vers la fin de l'après-midi, les amies de l'école venaient la voir. Elle s'efforçait de se montrer joyeuse, parlait avec elles, leur racontait des choses et plus d'une fois sa mère avait entendu comment quelqu'une lui demandait, tout en pleurant de tant rire, qu'elle cesse de plaisanter...

Maintenant le mal au dos était presque constant. Elle ne se plaignait ni ne disait rien, mais de temps en temps une contraction du visage la trahissait, et parfois, au milieu du silence de la nuit on entendait un cri aigu qu'elle n'avait pu contrôler.

A la mi-mars elle dut retourner à l'hôpital. Elle ne pouvait plus se maintenir droite et devait être tout le temps au lit. On lui fit des radiations pour essayer d'arrêter le mal. Elle continuait joyeuse et sans se donner pour vaincue, mais un jour, le soir, quand ses parents allèrent la voir ils la virent endormie. Son carnet était tombé la tête vers le bas. Ils le recueillirent et se mirent à lire ce qu'elle avait écrit: “At this moment I am crying for my dear, dear, dear mother and father as I am homesick in this hospital. I don't think I shall ever let myself think anything mean about them again in my life as right now I see how much I love them” (“En ce moment je suis en train de pleurer pour mère chérie, chérie, chérie, et mon père, car ils me manquent dans cet hôpital. Je ne crois pas que je puisse faire autre chose pendant toute ma vie que penser à eux comme maintenant que je vois combien je les aime”)

Avec le coeur gros, ils laissèrent le carnet et sortirent sans faire du bruit de l'habitation. Ils allèrent voir le Docteur English, qui était celui qui la soignait, et lui proposèrent un plan: s'il les autorisait à l'emmener à la maison, ils suivraient toutes les indications qu'il leur donnerait et l'emmèneraient à l'hôpital autant de fois qu'il faudra... Il accepta. “Elle est en train de s'éteindre, n'est-ce pas?” leur dit-il lentement. “Il ne reste plus grand chose que nous puissions faire...” Ce médecin aimait beaucoup Janis, ils étaient devenus de bons camarades.

9.

De retour de l'hôpital, quand ils entraient dans sa rue, le conducteur de l'ambulance fit sonner la sirène jusqu'à la maison. Il dit à Janis qu'il le faisait pour avertir tout le monde qu'elle rentrait...

Ses parents avaient déplacé son lit et l'avaient placé près de la fenêtre. A la tête du lit il y avait suspendu un grand écriteau de bienvenue qu'avaient dessiné Charmaine et Roddy.

Elle lisait peu. Elle pouvait encore rester assise quelques moments et elle aimait regarder par la fenêtre. La douleur ne la laissait guère. Les cellules malades étaient arrivées à la tête. Les dents lui faisaient mal et elle perdait l'équilibre. Elle ne cessait de tenir la petite image de l'Enfant Jésus que les Soeurs du collège lui avaient offert en cadeau.


Le 4 mai elle empira et il n'y eût d'autre solution que de l'emmener une autre fois à l'hôpital. Pendant qu'ils attendaient l'arrivée de l'ambulance, sa soeur Charmaine lui lisait des blagues. De cette manière elle la distrayait du mal qu'elle sentait et en plus la faisait rire.
Janis-and-Charmaine

Mais quand elle avait de bons moments et se trouvait mieux, elle reprenait son optimisme de toujours et pensait qu'elle était en train de guérir complètement.
Le lendemain, quand sa mère vint la voir, Janis était radiante.

- Maman, devine - lui dit en la voyant.

- Non, quoi?- Hier soir j'ai reçu un autre sacrement.

- Que veux-tu dire? Tu...- Oui, on m'a donné l'extrême onction! (avant, de "l'onction des malades" on disait l'"extrême onction")

- Le Père Joanisse est venu et m'a expliqué que l'Extrême Onction sert aussi bien à me préparer pour si je meurs qu'à m'aider à guérir. Ça été très beau! Tout d'abord il a dit quelques prières et nous avons prié tous les deux le "je confesse à Dieu". Après il m'a fait une croix avec de l'huile aux yeux et aux oreilleset aux mains et aux pieds et il a prié Dieu pour qu'il me pardonne tous mes péchés. Je me sens si bien!

Après, quand vint son père, elle leur demanda de faire un testament. "Les gens font leur testament avant de mourir" dit-elle tranquillement. "Moi, j'aimerai faire aussi le mien pour si jamais..."

Ils suivirent le courant. Ils ne pouvaient faire autrement, car elle le demandait avec calme et assurance. Le père prit un papier et un crayon et, comme s'il fut un notaire, avec un air officiel, prenait note de tout ce qu'elle disait: "Le vélo tout neuf pour Charmaine, les aquarelles pour Rody, les poupées pour Karen, les autres jouets pour Timmy et Sally. Le livre de prières et les économies pour toi, papa, les bijoux et les parfums pour toi, maman" Quand elle eut fini, en ouvrant beaucoup les yeux et en bougeant le doigt, elle ajouta,: "Et n'oubliez pas de donner mes yeux à la banque des yeux!"

Quelques moments après, souriante, elle leur dit:

"Mème si on m'a donné l'extrême onction et que j'ai fait le testament, cela ne veut pas dire que je dois mourir. Je continue de prier pour que Dieu me guérisse"


10.

Elle n'était pas toujours aussi contente et sereine. Elle avait des spasmes qui lui duraient longtemps et la faisaient beaucoup souffrir. C'est alors qu'elle prenait avec force la statuette de l'Enfant Jésus.

Jesus Janis figurine


«La statuette ... était blanche, de quelques cinq centimètres de haut elle
la gardait dans la main et toujours la pressait fortement quand on lui faisait
un de ces tests extrêmement douloureux de moelle osseuse.
Elle priait l'Enfant Jésus qu'il lui donne des forces pour tout supporter»
(“She would pray to The Child Jesus for strength to get through it”)

(Charmaine)

Un jour, quand on lui emmena le repas de midi, elle eût une surprise qui la rendit très heureuse: en prenant la serviette, il trouva une note écrite avec de grandes lettres qui disaient “I LOVE YOU” et en dessous, il y avait écrit le nom d'un garçon de la salle d'à côté. C'était un petit garçon qui venait la voir chaque jour et avec qui ils s'encourageaient mutuellement. Cela l'ému. Dès que vinrent ses parents elle le leur expliqua. “Ce garçon fait comme tu dis, maman : il ne m'aime pas par ce qu'il voit... Il doit être un très bon garçon!”Au fur et à mesure que passaient les jours, les spasmes devenaient plus suivis et plus forts. Elle ne savait que penser. Si Dieu avait voulu la guérir, comment se faisait-il que chaque jour elle empirait? Elle voulait savoir si Dieu la prendrait ou non...

Après tant de jours de maladie et après avoir fait tant de contrôles et de visites, Janis, qui n'était qu'une petite fille de dix ans et demi, ne savait pas encore qu'elle avait la leucémie. Elle ne le sût que le lendemain du jour de la serviette de table. Ce jour-là entra dans son habitation un jeune médecin et une infirmière stagiaire. Le médecin dit à Janis: “eh alors!, qu'as-tu ma belle?” et l'infirmière, regardant l'historial, dit d'un trait : “elle a la leucémie”- Le docteur la regarda avec sévérité mais elle avait dit ce qui ne pouvait plus être arrangé.Quand sa mère vint la voir, Janis lui dit: “J'ai la leucémie, n'est-ce pas?” Comme la question la prit par surprise, sa mère tarda un peu à lui répondre. Elle ne l'avait jamais trompée et elle ne le ferait pas non plus maintenant. Elle lui dit : “Comment te sentirais-tu si tu avais la leucémie? Serais-tu effrayée?” Janis lui dit que non avec la tête. “Si j'ai la leucémie –lui dit-elle – c'est que Dieu croit que je dois l'avoir. Pourquoi devrais-je être effrayée? Et de toutes façons, s'il le voulait il pourrait encore me guérir”. Sa mère pris sa sacoche et en tira le cadre avec la photo de Sainte Thérèse de Lisieux qu'on avait offert en cadeau à Janis. Elle lui dit : “Il était temps que ta grande soeur vienne te visiter" et elle le lui donna. Auparavant, cependant, à la maison, elle avait changé la photo de la sainte et au lieu de celle où elle apparaissait sérieuse, elle y avait mis une autre où on la voyait souriante. Elle était représentée comme si elle était au Ciel et que de là, elle laissait tomber sur la terre des tas de roses.

Enthousiasmée, Janis embrassait l'image et la baisait. Elle dit: “maman, ceci est le signal! Ma grande soeur l'a vu! Tu vois cette pluie de roses? C'est ça le signal! Maintenant je sais que je ne guérirait pas et le bon Dieu viendra me chercher”

Janis - Therese shower of roses


11.

A partir de ce moment elle ne parlait plus de guérir. Elle parlait d'aller au Ciel. Laissez-moi que je vous copie un paragraphe entier du livre de Soeur Mary Rose (Rena Ray). C'est du 9 mai, trois jours avant de mourir:
«La première chose que je ferai quand j'arriverai au Ciel, sera de courir vers la Vierge Marie et me blottir dans ses bras, alors je lui demanderai qu'elle console et prenne soin de toute la famille». Janis disait cela comme si elle était en train de planifier une promenade...

Janis and Virgin Mary

» Alors, quand elle aperçut les larmes dans les yeux de sa mère, elle le regretta.

- “Je ne veux pas que tu pleures pour moi, maman. Je ne veux pas que quelqu'un soit triste, ne voyez-vous pas qu'ainsi vous gâtez mon bonheur?"»Le lendemain matin, à un moment où elle se trouva mieux, elle dit à sa mère de demander à une petite fille plus jeune qu'elle qui était dans son habitation , de chanter une chanson. Cette fillette avait une très belle voix. Elle lui demanda quelle chanson lui ferait plaisir. Janis dit : “une chanson joyeuse; demande-lui si elle connaît celle de “old McDonald had farm” c'est une chanson joyeuse...”
Plus tard on entendit de la musique de radio que quelqu'un écoutait en dehors de l'habitation. On la sentait assez fort et une infirmière qui passait, passa la tête par la porte entr'ouverte et demanda si on voulait qu'on diminua le volume. Sa mère allait dire que oui, mais Janis fit non avec la tête, et avec une voix faible dit:”I love it”, et essaya de suivre le rythme avec les pieds. Avec le charme de toujours, elle ajouta: Si ce n'était pas à cause de ces maudits draps, si rigides, je pourrais encore la danser”.

Son père resta avec elle toute la nuit et, de bon matin, quand arriva sa mère, avant qu'elle soit entrée dans la chambre, une infirmière – on voyait qu'elle avait pleuré - lui dit: “ s'il vous plaît, dites-lui combien elle est belle!” “Elle nous a demandé que nous la préparions...”. Elles l'avaient lavée, coiffée, et elle avait demandé qu'on l'habilla avec une chemise de dormir neuve, celle qui était de couleur rose avec des fleurs blanches qu'on lui avait offert peu avant.

Quand sa mère entra dans l'habitation, elle lui dit: “oh! Que tu est belle!” Janis sourit. Elle était bien réveillée mais fatiguée. “Maintenant je suis prête”, dit-elle. Elle perdait la conscience, se réveillait, s'endormait de nouveau...Une fois qu'elle se réveilla, elle demanda si on pouvait la peser quand elle mourrait. “ Si j'allais au ciel, j'aimerais savoir si j'y vais comme j'étais toujours, jolie et mince...” Sa mère lui dit:”Janis, mon amour, ton corps n'est qu'un vêtement, ne t'en souviens-tu pas?” Janis sourit: “C'est vrai! – dit-elle – c'est que je deviens vieille et je perds la tête...”

Vers le soir, il y eût un moment où il sembla qu'elle se réveilla d'un mauvais rêve et il dit à son père, avec une voix claire: “ Papa, as-tu déjà arrangé cela de la banque des yeux?” Il dût admettre qu'il ne l'avait pas fait. “Tu m'avais promis que tu le ferais. Je veux que tu le fasses... s'il te plaît!”

Son père alla trouver une infirmière et lui demanda si elle savait ce qu'il fallait faire pour cette question de la donation des yeux. L'infirmière appela le Docteur English et peu après ils remplirent un formulaire. Janis, quand elle le sut, se tranquillisa et remercia son père.

Vers huit heures du soir, sa mère vit qu'il ne lui restait plus beaucoup de vie. Elle lui dit à l'oreille: “Janis, le bon Dieu viendra bientôt te chercher. Si tu t'en rends compte, dis-le nous, car nous voudrions te dire adieu!”

«Vingt minutes plus tard – je copie le livre de la Soeur Mary Rose (Rena Ray) – Janis s'agita doucement et ouvrit les yeux qui devinrent grands et brillants comme s'ils regardaient une lumière. Son visage s'épanouit avec un sourire lumineux, impressionnant de beauté.

»“Est-ce le ciel cela?” demanda-t-elle, et il sembla comme si elle s'éloignait. Puis la luminosité du visage se changea en une expression préoccupée. Elle regarda directement son père et sa mère. Et s'adressant à eux leur cria avec urgence: “Maman!... Papa! ... venez... vite!” 

Janis embrace

»Un instant après elle s'accrocha à ses parents dans un dernier baiser. Ses yeux se fermèrent peu à peu. C'est ainsi que Janis rendit à Dieu sa belle âme.
»C'était à 9h 25 du soir du vendredi 12 mai 1961»

*    *    *

Le texte a été écrit à partir de l’information extraite des livres des auteurs Lawrence Elliott (“The triumph of Janis Babson”) et Rena Ray... le pseudonyme que fait servir Soeur Irène Primeau, de la Congrégation Sisters of the Holy Cross.. (“Janis of City View”)

Le texte original en catalan a été rédigé par Mingu. Pilar et son amie Sally pour la version anglaise. La version française a été rédigée par Frère Jean. Nous voulons remercier à Sally Babson pour nous permettre de publier ce résumé, à Charmaine Babson pour ses informations et commentaires et remercier aussi les efforts et la dévouement de Bob Minder, de Californie, qui a fait possible que les textes originaux ne se perdent pas, envoyant des copies (en une belle chemise verte) à tous ceux qui le lui demandent.


Pour marquer le 50ème anniversaire de la mort de Janis, a été réédité le livre de Lawrence Elliott, «A Little Girl's Gift» prolongée par une courte préface de l'auteur et une introduction, plus vaste, la soeur cadette de Janis, Stephany Babson. Si vous voulez connaître plus détails de la vie de Janis, nous vous recommendons la lecture de ce livre, et si vous avez des commentaires ou voulez obtenir plus d'informations, vous pouvez le faire à janisbabsonfriends@gmail.com . Vous pouvez laisser aussi un commentaire au bas de l'article ou participer au forum. Notez également que la famille de Janis on préparé une place a Facebook, où ils apprécieront la votre participation. Vous trouverez le lien vers la colonne de droite.